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Présentation des oeuvres

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Ces trois pièces sont des œuvres théâtrales qui font chacune appel à des modes de représentations différentes : le monologue, le cabaret, la danse‐théâtre. Si le théâtre prédomine ici, c’est en mettant en jeu des acteurs, des musiciens et des danseurs car comme le dit Hervé Joubert‐ Laurencin dans sa préface à l’édition française du recueil Théâtre 1938‐ 1965 de Pasolini : « Avec cet homme, il faut penser à ramener la spécialité, le genre constitué, la catégorie, à la formidable interdisciplinarité en acte de son œuvre, à son indisciplinarité fondamentale. » Un Petit Poisson et Vif et Conscience, ces deux pièces encadrent le triptyque. Au milieu, Le cabaret Italie Magique est un moment explosif, une forme éclatée comme l’est un cabaret mélangeant théâtre, danse et chanson. Cette forme cabaret contaminera les deux autres pièces.

1‐ Un Petit Poisson est le monologue d’une femme occupée à pêcher un poisson. Elle essaie d’amadouer le poisson en lui parlant tendrement, en lui promettant qu’elle ne le mangera pas… De temps à autre elle crie en direction de Piero qui lui répond que : « ça va » ou « couci‐couça ». Elle raconte sa vie au poisson qui ne mord toujours pas. Elle lui raconte les trois hommes de sa vie. Le premier, avant la guerre, fasciste avec qui son père communiste n’a pas voulu qu’elle se marie. Le second, mort dans un bombardement pendant la guerre. Le troisième, après la guerre, sans doute sorti du maquis, dont le père ne veut pas non plus « parce qu’entretemps, par peur des communistes, il était devenu fasciste ou presque. » Et puis, aujourd’hui, il y a Piero qui pêche plus loin… C’est à ce moment que le poisson mord… Mais pas Piero. La didascalie qui commence la pièce est précise mais elle laisse planer un doute sur le personnage. « Elle va sur ses 35‐40 ans, mais elle habillée très jeune, un peu trop peut‐être. » Son attitude est pour le moins étrange : sa manière non conventionnelle de pêcher, de parler au poisson, sa façon de crier vers Piero, ses rêveries et ses chansons démodées… Son discours est ponctué à plusieurs reprise de : « je suis sss…sss…ss… » ; Le mot qui n’arrive pas à sortir, elle ne le prononcera qu’à la toute fin : « Personne ne m’aime ! Je suis ssseule…je suis seule… »

2‐ Si l’on devait se raconter une histoire sur la pièce Italie Magique, ce serait celle d’une chanteuse de cabaret qui s’est compromise avec le fascisme. Elle joue sa vie et sa mort dans ce cabaret magique : elle naît et connaît la gloire dans le fascisme, meurt sous les bombardements et renaît comme si s’accomplissait la prophétie de Brecht à la fin d’Arturo Ui : « Mais le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ». Enfin, elle devient prophétique elle‐même s’inquiétant de son propre avenir dans un nouveau monde. « Toi, ma chère, mon irréparable image,/ si parfaite, si parfaite, si parfaitement moi,/ tu commences déjà à être une autre,/ et un monde ignoré t’entraîne au loin. » La pièce s’achève sur un chaos délirant d’actualité, de publicité, de musiques et commentaires de toutes sortes : un monde d’information et de spectacle. Nous adapterons cette fin de Pasolini avec des images, nouvelles et slogans de notre époque… Un dernier carton vient conclure le tout : CONCLUSION PROVISOIRE.

3‐ Vif et Conscience est un projet de ballet, mais on pourrait presque dire que Pasolini invente ici la danse‐théâtre. Le ballet se compose d’une même séquence qui se répète en trois tableaux : le premier au 17ème siècle, le second dans les années 30 à l’époque du fascisme, le dernier à l’époque de la Résistance. Ne racontons ici que le premier tableau qui s’ouvre avec Vif, un jeune garçon plein d’une vitalité sauvage, qui ne parle pas et travaille joyeusement la terre. Conscience, habillée en nonne, l’aperçoit et tombe sous le charme de ce concentré de vie. Elle lui achète les fruits de son travail, mais son amour devient vite coupable ; dès lors Conscience se fait Morale et soumet Vif à l’autorité de l’église. Profitant de cette soumission elle tente de l’embrasser. A ce moment Vif est enlevé par un groupe de compagnons et s’en va dans une farandole populaire. Le même motif se répète avec des variations adaptées aux époques, à chaque fois Vif est enlevé au moment du baiser et Conscience reste seule avec son angoisse. Mais à la fin du dernier tableau où le garçon s’en va avec les partisans morts, Conscience a cette lueur d’espoir : « Un jour viendra, espère‐t‐elle, où la Vie sera Conscience et la Conscience Vie. »