Présentation du projet
Le Théâtre des Opérations a choisi de créer trois pièces courtes de Pasolini : Un Petit Poisson, Italie Magique et Vif et Conscience. Ces pièces n’ont été publiées que récemment : en 2001 en Italie et en 2005 pour la traduction française aux éditions Les Solitaires Intempestifs dans le recueil Théâtre 1938‐1965. La découverte de ces textes apporte d’autres éclairages sur l’œuvre théâtrale de Pasolini, notamment sur les grandes pièces écrites après 1966… Un Petit Poisson, Italie Magique et Vif et Conscience sont trois pièces qui font appel à des modes de représentations différents : le monologue, le cabaret et le ballet. Ce qui constitue l’unité du projet, c’est que ces trois poèmes dramatiques mettent en jeu une figure féminine : une femme qui raconte sa vie au poisson qu’elle tente de pêcher, une chanteuse de cabaret des années fascistes, une femme nommée Conscience qui culpabilise de son amour pour la vitalité d’un jeune garçon. Ces trois femmes ont un même rêve : être vivantes. Notre projet est de jouer ces trois paraboles où une actrice est associée à deux acteurs, un musicien et un danseur, pour raconter ces histoires dont l’interprétation est au final offerte au spectateur. Ce projet veut questionner la vitalité de l’homme et celle du théâtre.
Pasolini m’a toujours intéressé. Son cinéma d’abord que je connais depuis un certain temps déjà : je me souviens de son Œdipe Roi où les villages berbères prenaient une réalité antique qu’aucun péplum n’avait encore atteint, de Théorème bouleversant d’érotisme… je me souviens d’un cinéma simple, n’abusant pas des moyens techniques (le contraire d’un cinéma populiste) et replongeant par là même dans les prémices de l’art cinématographique. J’ai lu pas mal de ses livres, récits et poèmes, son théâtre. Mais jusqu’à la parution du recueil de pièces écrites entre 1938 et 1965, je n’imaginais pas comment rencontrer son œuvre sur scène. Or voici qu’après plusieurs années passées en compagnie de Brecht, la mise en scène d’un texte de Müller et quelques cabarets, je découvre trois pièces courtes où mon goût pour la parabole et le langage poétique pourra être remis en jeu. De là ma décision de mettre en scène un triptyque autour de trois figures féminines et où chaque pièce fait appel à trois modes théâtraux différents : le monologue, le cabaret, le ballet. Dans les trois pièces, Un petit poisson, Italie Magique et Vif et Conscience, j’y trouve, malgré leur ancrage italien, les éléments de ma propre histoire, personnelle et artistique : l’univers de la campagne et celui de la ville, le poids de la religion et de l’histoire sur la vie, la lutte à la fois tragique et comique des êtres humains pour vivre ensemble, s’aimer, se comprendre… Il y a beaucoup à raconter avec ces trois pièces, mais le principal est de chercher à mettre sur la scène la vitalité (désespérée ?) de ce théâtre.
Eric Houguet